LANGUES RA

Resistance et déportation

 

TONNEAU Henri,
matricule 44877 à Mittelbau-Dora

Texte écrit par Lionel Roux.
Dans le cadre de la réalisation d’un dictionnaire
sur les déportés de Mittelbau-Dora.
Coupole d’Helfaut (2019).

 

Historique 509e RCC, la résistance et le réseau Brutus

Henri Tonneau est né le 14 novembre 1914 à Steenwerck dans le Nord. Il devient pupille de la Nation par le jugement du tribunal de Lille le 13 janvier 1921 (son père était un grand invalide de la guerre 14-18). Il fait son service militaire en 1934 comme sergent-chef au 509e régiment de chars de combat à Maubeuge. Marié à Lille le 11 mai 1936 avec Fernande Sabre, Henri Tonneau aura deux fils : Alain, né le 15 février 1939 et Joël, le 11 juin 1941. La famille est domiciliée au 45 rue des Postes à Lille, Henri Tonneau exerce alors la profession d’enseignant. Mobilisé en 1939 il est affecté au 25e BCC, puis à la 1re DCR (Division Cuirassée de Réserve) et se bat pendant la campagne de France. Il est fait prisonnier par les Allemands mais s’évade, rejoint une compagnie de chars à Versailles et continue la lutte en zone libre, incorporé au 1er RI. Il participe ensuite à la Résistance dans le Nord. Selon une attestation du 20 octobre 1950, Henri Tonneau est entré dans le réseau de résistance Brutus le 1er juin 1943. Sous le pseudonyme de « Robert Noteau », il devient l’adjoint de Félix Gstalder (43551) alias « Gaston Morand », chef du réseau dans la région de Bordeaux. Le 6 octobre 1943, il est arrêté sur dénonciation de Pierre Pitou alias « Pierrot », un agent du groupe. Pierre Pitou y est entré comme opérateur radio mais il a une réputation de noceur et dépense beaucoup d’argent. Parlant trop, il est arrêté par les Allemands avec sa fiancée. Ceux-ci se rendent vite compte qu’ils tiennent une bonne prise car Pierre Pitou connaît l’état-major girondin du réseau Brutus et les lieux de contacts. Menacé de mort et sa fiancée de torture, Pierre Pitou collabore et entraîne son chef Félix Gstalder dans un guet-apens. Le 6 octobre 1943, il téléphone à ce dernier au « Bar Moderne », rue Dubourdieu à Bordeaux, lieu habituel de contact, pour lui demander un rendez-vous d’urgence. Félix Gstalder lui dit de le rejoindre à cet endroit, mais ce sont sept agents de la Gestapo qui viennent et l’arrêtent avec Henri Tonneau et Marcelle Dallet, alias « Michelle », qui sont également présents. Pierre Pitou livrera de nombreux autres renseignements aux Allemands et sera responsable d’au moins 12 arrestations et de huit déportations d’agents du réseau. André Boyer alias « Brutus » (52286) décidera de le faire abattre mais n’y parviendra pas. En février 1944, Pierre Pitou sera à nouveau arrêté par la Gestapo et déporté, le 27 avril 1944, à Auschwitz-Birkenau puis dans d’autres camps (Buchenwald et Reichenau). À son retour de déportation, il sera arrêté en juin 1945 par la police française et jugé en 1946. Coupable de trahison, il sera condamné à mort.

Bordeaux le Bouscat/fort du Hâ

Henri Tonneau est enfermé et interrogé au Bouscat au siège de la Gestapo pendant 12 jours. Torturé par la police nazie, il ne parle pas. Le 18 octobre 1943, il est incarcéré au fort du Hâ à Bordeaux. Le 17 janvier 1944, il est envoyé au camp de Royallieu centre de rassemblement de Compiègne dans l’Oise où il reçoit le numéro 25218.

Vers l'univers concentrationnaire Buchenwald/Dora/Ravensbruck



 Les différents camps de concentration ou a été Henri TONNEAU.

Le 27 janvier 1944, Henri Tonneau est déporté dans le huitième des grands transports de Compiègne à Buchenwald qui comprend 1 583 hommes, dont 1 415 Français. L’écrivain Jorge Semprun, qui se trouvait dans le convoi, a décrit ce terrible trajet dans son livre intitulé Le Grand Voyage. À son arrivée deux jours plus tard, Henri Tonneau est inscrit sous le matricule 44877. Le 13 mars 1944, après la quarantaine, il est transféré au Kommando de Dora. Il échappe probablement aux tâches dans le Tunnel car il faut construire les baraques, les rues, les réseaux et la clôture électrifiée du camp extérieur. Le travail est cependant très difficile et de nombreux déportés sont affaiblis et malades. Henri Tonneau y aurait rencontré René Tchia (38492) : celui-ci a témoigné oralement qu’Henri Tonneau l’aurait aidé à se sortir d’un fût métallique servant de latrines dans lequel il avait chuté. Henri Tonneau survit de longs mois dans ces conditions très difficiles.

 

 

Le 5 avril 1945, il est évacué du camp dans le convoi de « spécialistes » qui part de Dora. Le voyage se fait dans des conditions épouvantables. Les déportés sont mis dans des wagons bennes, sous la pluie. Après de multiples arrêts, le train arrive à Osterode le 8 avril. Commence alors une véritable « marche de la mort » durant 38 km, au cours de laquelle les traînards sont exécutés par les SS. Les survivants sont remis dans des wagons à bestiaux sans aucun ravitaillement. Le convoi repart et, après de nombreux jours d’errance, atteint Ravensbrück le 14 avril 1945 vers 16 h. À l’arrivée, les morts et les mourants sont très nombreux. Henri Tonneau est inscrit comme technicien et reçoit le matricule 19482. Il reste dans ce camp jusqu’au 26 avril 1945 puis, en raison de l’avancée de l’armée russe, les déportés repartent  à pied et finissent par arriver le 29 avril 1945 au camp de Malchow (Mecklembourg-Poméranie-Occidentale). Ils y seront libérés par les Russes le 1ermai 1945. Dans un document de la Direction Générale des Études et Recherches, daté du 24 août 1945, Henri Tonneau déclare s’être évadé, et caché dans une carrière au cours de cette marche, le 27 avril et avoir rejoint les Russes à Wesenberg le 1er mai 1945. Probablement très affaibli, il est rapatrié tardivement en France le 18 Mai 1945 par le centre d’accueil d’Orsay à Paris. 

 


Itinéraire d'Henri TONNEAU au départ de Ravensbruck vers Wesenberg.



Autre source : délivré le 1er mai 1945 par les Russes, et rapatrié en France BON pour le 18 mai 1945. http://www.francaislibres.net/liste/fiche.php?index=98949

 

Trajet des déportés de Ravensbruck au camp de Malchow du 26 Avril 1945 arrivée le 29 Avril, dans ce convoi se trouvait Henri Tonneau.
Source "Le bulletin trimestriel des déportés de Dora", N° 10, du 2e trimestre 1993, "La marche de la Mort", documents transmis par R. Berthelot (20456).


Itinéraire des déportés de Ravensbruck vers le camp de Malchow.


Indochine/Tunisie

À la fin de l’année 1945, Henri Tonneau est affecté au service de renseignements (DGER) puis en mission au SDECE à compter de septembre 1946. Cité à l’ordre du corps d’armée le 22 mars 1946 avec l’obtention de la Croix de guerre avec étoile de vermeil, il reçoit la médaille de la Résistance le 17 mai suivant. En 1947, il est promu lieutenant d’active et réside au 70 bis boulevard Ornano à Paris dans le 18e, puis au 30 rue Aristide Briand à Aulnay-sous-Bois (Seine-et-Oise). Mis à la disposition du général du corps d’armée d’Indochine, il débarque à Saigon en 13 Avril 1954 et est affecté à la 5e section de l’EMIFT puis à la garnison de Tourane (actuelle Da-Nang). Il est promu capitaine le 20 avril 1956 et dirigé à la base de Seno au Laos en juillet. Revenu à Saigon, il est rapatrié en métropole sur le navire Cambodge le 19 février 1959. Henri Tonneau est ensuite envoyé le 21 juillet 1959 à la base de Bizerte en Tunisie où il s’occupera du service de renseignements, et cela jusqu’à son démantèlement. Il rentre en France le 21 février 1964. Admis grand invalide de guerre pour les infirmités contractées en déportation et en Indochine, il prend sa retraite le 25 Mars 1964. C’est à cette époque qu’il revient s’installer à Lille, rue Gantois.

Henri Tonneau a été nommé chevalier de la Légion d’honneur et a reçu de nombreuses médailles militaires françaises et étrangères. Il a également était secrétaire de l’Union des Résistants Internés et Déportés de Lille, ainsi que de l’Amicale des Anciens Artilleurs. Henri Tonneau est décédé à Lille le 27 juin 1977.

Sources : Bu 7/2-9/9- Liste Amicale Buchenwald ; FN; Liste Do; DS (21p683076) ; LTDo-Ra14/4/45p ; EC (Steenwerck) ;  Jean-Marc Binot et Bernard Boyer, Nom de code : Brutus, Fayard, 2007 ;

http://francelibrecombattante.blogspot.com/p/documents.html, blog et contacts avec Renaud AVEZ, filleul d’Henri Tonneau ; témoignage oral recueilli au domicile de René Tchia.
Documents numérisés et complétés par Renaud Avez.


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